La commanderie de Ramersdorf

2. L’histoire :

La commanderie de Ramersdorf, aujourd’hui transformée en hôtel de luxe dans des bâtiments néogothiques datant du XIXe siècle, était autrefois un petit établissement de l’Ordre teutonique qui a connu bien des vicissitudes.

Les bâtiments actuels de la commanderie : un hôtel de luxe dans le style néogothique, qui n’a pas grand chose à voir avec le bâti d’origine…

Située près de Bonn, elle relevait du bailliage d’Aldenbiesen, aujourd’hui en Belgique flamande, à 130 km de là. Loin des yeux, loin du cœur…

Sa fondation remonte au XIIIe siècle. Elle fait l’objet d’une donation à l’Ordre en 1246, par le défunt comte Henri III de Sayn et sa femme Mathilde. Les bâtiments ont sans doute été construits dans les années 1220 à 1230, car la chapelle, qui a été conservée et déplacée dans le vieux cimetière de Bonn date de cette époque. Le premier commandeur cité dans les textes est un frère Werner, à qui l’abbé de Siegburg transmet, le 18 octobre 1254, des biens à Birgel et Muffendorf (Neu 1961, p. 23).

Du XIIIe au XVe siècle, la plupart des possessions de la commanderie sont situées dans la région de Bonn et des collines rhénanes. Elle possède également des biens dans les Flandres et le Brabant, qui sont cependant vendus au bailliage de Coblence en 1296 (Neu 1961, p. 41), des bâtiments à Siegburg et Bonn (Neu 1961, p. 29-30), ainsi que divers bénéfices, rentes et exemptions de droits (Neu 1961, p. 38). C’est une petite commanderie, où vivent en 1301 un frère chevalier faisant office de commandeur, deux frères prêtres et un frère lai (Neu 1961, p. 22). En 1329, le convent compte cinq frères de l’Ordre.

Dans les années 1360, la commanderie est placée directement sous l’autorité du Maître provincial de Germanie, qui chapeaute les bailliages de l’Ordre en Allemagne (Neu 1961, p. 42). Celui-ci ne laisse manifestement plus d’autonomie aux frères présents sur place. Mais, ne pouvant gérer la commanderie qu’à distance, il la laisse dépérir.

En juillet 1362, un bien à Ollheim que la commanderie détenait par emphytéose est restitué à l’abbaye de Siegburg, et un vignoble et un bois qui font partie de ses biens propres sont cédés à bail emphytéotique (Neu 1961, p. 44). En septembre de la même année, les vignobles et revenus des fermes viticoles sont vendus à la commanderie de Coblence, de même que les revenus d’une maison à Bonn, pour 1000 marks de Cologne. Il ne reste plus en propre à Ramersdorf que quatre acres de terre (l’équivalent d’un hectare) dans la région et quelques bénéfices (Neu 1961, p. 30). La situation financière de la commanderie oblige le Maître provincial, à mettre également en gage, le 22 juin 1366, un domaine à Hersel, qui est l’une de ses sources de revenus les plus significatives.

Le 13 février 1371, le Maître provincial transfère la commanderie au bailliage d’Aldenbiesen (Militzer 1970, p. 161-162), dont l’éloignement ne prête pas une amélioration de la gestion. En 1410-1411, au lendemain de la bataille de Tannenberg, il n’y a plus qu’un seul frère de l’Ordre résidant sur place. En 1419, les bâtiments et terres de la commanderie sont hypothéqués. L’hypothèque est rachetée par le Maître provincial en 1424, et ce n’est qu’à partir des années 1450 que les lieux sont à nouveau habités, par un unique frère prêtre faisant fonction de commandeur.

La commanderie ne fait pas parler d’elle pendant des décennies, et l’Ordre n’y investit à nouveau qu’au tournant des années 1500. En 1539, les bâtiments sont à nouveau occupés régulièrement et un commandeur y est affecté (Neu 1961, p. 54). En 1566, la commanderie acquiert un domaine du monastère de Kundighoven. Mais le chapitre de l’Ordre décide en 1603 le transfert définitif de la propriété des domaines de Hersel, Buschdorf, Widdig et Grau-Rheindorf au Maître provincial, ce qui entraîne une réduction substantielle des revenus de la commanderie.

La commanderie, dont le système de défense n’est plus adapté, souffre également des périodes de guerre. Déjà lors de la guerre de Cologne, qui ravagea l’Électorat de Cologne entre 1583 et 1588, une dizaine de bandits avaient investi la place et pris en otage le commandeur (Neu 1961, p. 50-51). Au cours de la guerre de Trente Ans, le jour de la Toussaint 1631, les troupes suédoises occupent les lieux, épuisent les vivres, détruisent les meubles et emportent les biens de valeur, emmenant avec eux en otages le forgeron et le chapelain. Les terres et biens de la commanderie alentour sont également pillés et ruinés. Le commandeur se retire à Bonn. Un intendant est nommé sur place en 1635. Mais les difficultés économiques de la commanderie conduisent à ce qu’à nouveau, entre 1653 et 1661,  la fonction de commandeur soit vacante, assurée de fait pas le curé de Kundighoven, Cornelius Rutten (Neu 1961, p. 56-58).

Les guerres se succèdent, et en 1729, la commanderie et ses possessions sont dans un état catastrophique. Le nouvel intendant de la place réussit en 1732 à recouvrer d’importants arriérés (Neu 1961, p. 62-63) qui permettent d’envisager des travaux de réfection. En 1735, de nouveaux bâtiments sont construits. Le chapitre du bailliage d’Aldenbiesen avait décidé en 1715 la construction d’un nouveau bâtiment, qui n’avait débuté qu’en 1728, puis avait été interrompue en raison d’un différend entre le Grand Maître et le chapitre sur l’extension des travaux. C’est finalement un bâtiment plus petit que prévu qui est construit (Neu 1961, p. 76-79). En 1740, la chapelle est également rénovée.

La commanderie continue cependant à souffrir des guerres du XVIIIe siècle, et au lendemain de la Révolution française, elle ne possède plus que deux acres de terres arables, trois acres et demie de vignes, quatre de prés, et trois vaches. En 1802, les biens de la commanderie sont sécularisés (Neu 1961, p. 71-73).

Les bâtiments passent de mains en mains au cours des deux siècles suivants. Ils sont transformés en une résidence palatiale, devenue aujourd’hui un hôtel de luxe, dans une architecture assez éloignée du complexe d’origine. Une aile de style baroque est ajoutée en 1842. Le bâtiment principal actuel et le donjon monumental sont des adjonctions de 1860, révisées en 1885 dans un style néogothique à la mode à l’époque. Un pavillon à l’anglaise en briques est construit à la fin du XIXe siècle.

Ramersdorf dans le roman :

À l’époque où se déroule le roman, la commanderie est occupée par un petit groupe de frères prêtres et ne semble pas compter de frères chevaliers. Le dernier commandeur connu avant 1410 est Hendrik van Leeuwen, cité avant 1371, et par la suite on ne voit réapparaître un commandeur en titre qu’avec Diederik van Gemert, cité en 1444 (Hungs, p. 365).

La prise de fonction du chevalier Paul de Rusdorf comme commandeur, dans le roman, relève de la fiction : on n’a pas de preuve qu’il ait pu en être ainsi historiquement. Il est très probable que la commanderie était dirigée par un frère prêtre à cette époque, et qu’aucun chevalier n’y officiait comme commandeur en titre. Mais il est vrai que le chevalier de Rusdorf était originaire de la région, et qu’il n’est cité en Prusse qu’après la bataille de Tannenberg de 1410. Il n’est pas illégitime d’imaginer qu’auparavant il ait été affecté, soit à la commanderie Sainte-Catherine de Cologne, soit à une petite commanderie de la région comme celle de Ramersdorf.

Références :

Klaus Militzer (1970), Die Entstehung der Deutschordensballeien im Deutschen Reich, Bad Godesberg.

Heinrich Neu (1961), Die Deutschordenskommende Ramersdorf, Bonn.

Heinrich Neu (1969), Das Rheinland und der Deutsche Orden, Studien zum Deutschtum im Osten, vol 5., Köln.

Damian Hungs (sd), Kommenden des Deutschen Ordens, En ligne: http://damian-hungs.de/data/documents/DO-Kommenden.pdf

Sur Ramersdorf : http://www.damian-hungs.de/geschichte/kommenden-des-deutschen-ordens/kommende-ramersdorf/