Paul de Rusdorf

Paul de Rusdorf a été le 29e Grand-Maître de l’Ordre teutonique, qu’il dirigea de 1422 à 1441. C’est un personnage intègre, idéaliste et recherchant le consensus, mais qui exerce son magistère pendant la période la plus noire de l’histoire de l’Ordre teutonique.

Les débuts

Paul de Rusdorf, Grand-Maître de l'Ordre teutonique de 1422 à 1441
Portrait apocryphe de Paul de Rusdorf. Source: Wikimedia Commons

Paul de Rusdorf est issu d’une lignée de ministériaux des archevêques de Cologne. Il est né vers 1385, sans doute à Roisdorf près de Bonn, siège de la seigneurie à laquelle sa famille doit son nom. Les premières données biographiques que l’on a sur lui sont celles des archives de l’Ordre teutonique, à une date où il a déjà rejoint l’État monastique en Prusse, probablement après la bataille de Tannenberg en 1410. Il est alors gouverneur (Pfleger) de Rastenburg du 12 mai au 28 juillet 1412. Il prend le commandement de la commanderie de Tuchel le 21 mai 1413, qu’il tient jusqu’au début de 1414. Dans le même temps, il est commandeur de Papau et bailli de Leipe jusqu’au 17 janvier 1414. Le 4 mars 1414, il est promu dans la haute hiérarchie de l’Ordre, comme Grand Trésorier, puis le 24 novembre 1415 comme Grand Commissaire (le haut responsable chargé des fournitures). Dans le même temps, il administre la commanderie de Mewe. Le 7 juin 1416, il s’installe dans la résidence du Grand-Maître à Marienbourg, pour y occuper jusqu’au 27 août 1418 la charge de Grand-Commandeur. À cette date, il reprend la charge de Grand Commissaire en même temps que celle de commandeur de la place de Christburg. Quand le Grand-Maître Michael Küchmeister se retire, c’est lui que le Chapitre choisit, le 10 mars 1422, pour lui succéder.

Un Grand-Maître dans une période difficile

Paul de Rusdorf est investi alors que l’Ordre, après la bataille de Tannenberg, traverse la période la plus noire de son histoire. Les Teutoniques sont déchirés par des conflits à de nombreux niveaux, qui se recoupent et s’alimentent. Ils doivent se défendre contre les Polonais et les Lituaniens à l’extérieur. À l’intérieur de ses États en Prusse, l’Ordre est contesté à la fois par les villes et par les seigneurs locaux, qui cherchent à obtenir davantage de libertés et à payer moins de contributions, alors que celles-ci, au contraire, augmentent pour financer l’effort de guerre. Et au sein même de l’Ordre, des divergences de sensibilité opposent les chevaliers d’origine prussienne et ceux venus d’Allemagne. Tous ces conflits sont encore aiguisés par l’hérésie hussite, qui inspire certaines factions jusque parmi les chevaliers.

Une personnalité sensible dans un contexte conflictuel

Paul de Rusdorf, Grand-Maître de l'Ordre teutonique de 1422 à 1441
Portrait apocryphe de Paul de Rusdorf. Source: Christoph Hartknoch, Alt- und neues Preussen, Frankfurt & Leipzig 1684, p. 308.

C’est ce contexte qui fournit la toile de fond historique du roman, surtout dans ses deux premiers volumes. La personnalité de Paul de Rusdorf a été de ce fait tout particulièrement étudiée, d’autant que le roman fait l’hypothèse d’une rencontre précoce entre le chevalier et Tilmann, alors que celui-ci est encore un adolescent. Ce qui permet d’attribuer à Paul de Rusdorf le rôle de mentor du jeune homme. En effet, historiquement, Tilmann a bel et bien existé. Il est originaire de la même région que le futur Grand-Maître, autour de Cologne. Et c’est à partir de l’élection de Paul de Rusdorf que les archives commencent à citer Tilmann comme son porteur de courrier personnel. Le récit est fictionnel, mais il joue avec les rares données de l’historiographie.

Le caractère de Paul de Rusdorf nous est connu par les témoignages de l’époque, parmi lesquels l’essayiste allemand von Wal, chevalier teutonique lui-même, préfère, par prudence, citer les étrangers, pour éviter les avis orientés des auteurs issus de l’Ordre. Ces avis s’accordent à voir dans le chevalier de Rusdorf un homme pieux, sage et modeste, qui avait propension à rechercher la paix. S’il avait été plus ferme, estime de Wal, il eut été un dirigeant accompli, mais le souhait qu’il avait de rassembler par la discussion devait le conduire en des situations intenables entre les différents camps. C’est tout aussi certainement pour ces traits de caractère qu’il fut choisi par les factions rivales comme Grand-Maître : il n’était aligné sur aucune position (on l’a même suspecté de courtiser avec l’hérésie), et son souci de concilier tout le monde pouvait emporter le consensus au début. Mais il se prêtait ainsi à déplaire à tous au final.

Les relations entre les personnages

Le roman le campe donc au départ dans le personnage d’un  homme intègre, respectueux de ses vœux monastiques, poursuivant un idéal, mais ouvert à la discussion, y compris avec des gens qui ne sont pas de son rang. Ce qui permet d’en faire un interlocuteur de Tilmann, bien que celui-ci ne soit que son factotum.

Commanderie teutonique de Rastenburg (Kętrzyn)
La commanderie teutonique de Rastenburg (Kętrzyn), première affectation connue de Paul de Rusdorf, décrite en détail dans le roman

L’évolution psychologique du personnage dans le roman se dessine ensuite d’elle-même. Elle est produite par la nécessité, pour une telle personnalité, de s’adapter aux difficultés du temps. Rusdorf doit négocier avec des acteurs multiples que tout oppose, et au fond, il doit négocier avec lui-même. Élevé à une charge que, si l’on considère ses dispositions, il a peut-être acceptée sans vraiment l’ambitionner, on l’imagine parfois indécis, se sentant progressivement entouré d’ennemis. Isolé de ses pairs, il trouve logiquement un secours dans les conseils d’un Tilmann. Mais comment freiner sur la pente qui mène à la paranoïa ?

Tilmann, que son origine modeste et son statut mettent à distance de son mentor, le considère avec une affection filiale, mais ne peut accéder à ses attentes le concernant, surtout quand le chevalier caresse le projet de lui voir prendre les armes. Tilmann va ainsi profiter de l’ascension sociale de son maître, l’assister dans ce parcours, mais va dans le même temps inventer sa propre trajectoire. Il lui faudra aussi, en conséquence, à la fois protéger ses propres intérêts, tout en essayant de ne pas nuire à ceux du chevalier.

Bibliographie :

Carl August Lückerath (1969), Paul von Rusdorf. Hochmeister des Deutschen Ordens 1422-1441,  Quellen und Studien zur Geschichte des Deutschen Ordens, Bd. 15, Bad Godesberg.

Carl August Lückerath (1991), Rusdorf, Paul von, Ostdeutschen Biographie (Kulturportal West-Ost). https://kulturportal-west-ost.eu/biographien/rusdorf-paul-von-2

Wilhelm Eugen Joseph von Wal (1788), Essai sur l’histoire de l’Ordre teutonique par un chevalier de l’Ordre, tome V, Paris, Imprimerie-librairie chez la Veuve Valade, p. 189sq.